Électre (2008)

Électre (2008)

Musique de scène pour la pièce de Sophocle, adaptation d’Agathe Schumacher

(chœur antique, flûtes, violon, percussions)

Commande d’Act’O Théâtre / Création du 24 octobre au 8 novembre 2008

Quelques mots sur la musique…


		
		
		 [Audio / « Non, par la foudre de Zeus ! »]

		
		
		 [Audio / « Le glaive pointu vise au cœur »]

Une réflexion au sujet de « Électre (2008) »

  1. À propos de la musique d’Électre

    Écrire de la musique pour Électre, un monument du théâtre, vieux de près de deux millénaires et demi ! La proposition d’Agathe Schumacher était pour moi aussi impressionnante qu’enthousiasmante.
    De nombreuses questions se sont posées à moi, car cette musique de scène ne pouvait se contenter d’être introduction, interlude, commentaire musical du drame : il fallait qu’elle participe de l’action. Par ailleurs, elle s’apparente à une musique de film, dans son rapport aux images de Laurent Salipante.

    Chez les Anciens, de larges parties de la tragédie étaient chantées – en particulier celles du Chœur et de son chef, le Coryphée. Nous avons choisi de garder un traitement musical de ce Chœur – ici bicéphale – lors de ses trois grands passages lyriques, où, sortant de son sobre rôle de confident et de conseil d’Électre, il s’épanche en confiant aux dieux et au spectateur ses émotions et son exigence morale.

    Traitement musical de cette voix, certes, mais pas uniquement au sens habituel du terme : j’ai voulu explorer les divers registres qui vont du pur « chant », dont le lyrisme convient à la lamentation, au parler « normal » du comédien, en passant par le simple chant recto tono, la déclamation entrecoupée de musique, ou superposée à elle, et, surtout, le parlé-chanté et la déclamation rythmique, que les Grecs pratiquaient déjà – bien avant le hip-hop ! –, scansion du texte soutenue instrumentalement, tantôt inégale, asymétrique, s’adaptant nerveusement au rythme du texte français, tantôt l’enserrant dans une rigide mesure marquée par les percussions, implacable à l’image du Destin en marche.

    Un violon, une flûte traversière (ou plutôt deux : la grande et le piccolo) ; voilà qui aurait pu sonner trop classique, ou, avec la référence à l’Antique, s’arrêter à une couleur début XXe, élégante et un peu désuète, écho de Debussy ou de Puvis de Chavannes. Mais, pour la Grèce d’Électre, je voulais que ces instruments se fassent plus rauques, leur lyrisme plus simple, et, qu’avec les percussions, par leur pulsion rythmique, ils évoquent le rituel païen et soutiennent l’action, en incarnant le destin à l’œuvre, duquel découlent les atrocités commises par les protagonistes.

    Du langage musical, je dirai simplement qu’il se veut d’aujourd’hui, sans renier l’héritage du passé ; qu’il ne se veut ni difficile, ni facile, ne niant ni ne se refusant la consonance comme la dissonance ; qu’enfin ici la référence aux anciens Grecs est présente, quoique jamais littéralement : la musique est modale à sa manière – les gammes qui lui donnent sa couleur sont construites selon des principes proches de ceux des Anciens – et le rythme inégal – inspiré du mètre « à l’antique » de Baïf et de Lejeune, du folklore bulgare et de la musique des Russes – lui donne son énergie.

    Que ces quelques minutes de musique trouvent leur juste place au sein de la mise en scène d’Agathe Schumacher, tel est mon vœu, et que pour le spectateur d’aujourd’hui, elles contribuent à faire ressentir le puissant texte de Sophocle dans son horrible étrangeté, comme dans son incroyable modernité.

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